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    Aux commandes de Nouvelle Garde, et ses trois brasseries parisiennes, Victor Dubillot et Charles Perez ont pris leurs marques sur ce segment hyper-concurrentiel, et y poursuivent leur développement, un 4ème gros porteur prévu pour 2023 dans la capitale. Forts d’une levée de fonds de 10 millions d’euros réalisée en début d’année auprès de FrenchFoodCapital et Experienced Capital, ils n’ont pas prévu d’arrêter là leur marche en avant, travaillant déjà à un premier établissement hors-Île-de-France, pour commencer. Retour sur le modèle Nouvelle Garde, sa pertinence comme ses ambitions, avec ses cofondateurs.

    Quel retour sur ce premier semestre 2022, et sur la saison estivale ?

    Nous sommes vraiment satisfaits de l’activité depuis le début d’année, après deux ans à ronger notre frein en raison de la crise sanitaire. La livraison et la VAE ont leurs spécialistes, certains établissements et enseignes, qui n’y étaient pas, y ont aussi démontré une vraie agilité durant cette période. Mais de notre côté, même si nous avons cuisiné, comme beaucoup, pour le personnel hospitalier, et fait quelques livraisons avec Tiptoque pour remettre les équipes dans le bain quand nos salles étaient fermées, notre business-model ne s’appuie pas sur cette ligne. Ce qui est important pour nous, c’est de bien recevoir nos clients, qu’ils éteignent leur portable et profitent de l’ambiance, discutent avec les serveurs, et se régalent autour d’une cuisine maison et de saison, vissée, comme les produits qu’elle met en œuvre, sur les classiques de la brasserie française. On ne peut pas livrer tout ça, il faut le vivre en établissement. Et nos clients nous suivent sur nos trois restaurants (NDLR : brasseries Bellanger, ouverte en 2019, Dubillot, mi-2021, et Martin cet été). Nous servons quotidiennement dans nos restaurants entre 1250 et 1500 clients en moyenne, aux temps de passage d’un objectif de chiffre d’affaires annuel Groupe autour de 10 millions d’euros cette année.

    Une période en forme de retour de flamme, après deux ans de restrictions sanitaires, pour les gros porteurs et la restauration d’expérience ?

    Ce qui est certain, c’est l’envie, palpable chez nos clients, de se reconnecter à cette convivialité du restaurant, qui est favorable à nos établissements. Nous nous positionnons sur les volumes, avec un ticket moyen à 28-29€ HT, et un niveau d’activité qui vise, à grosse maille et sur un rythme de croisière, 5 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel par restaurant. En soi, les chiffres ne nous passionnent pas, mais c’est l’équation économique dans laquelle nos restaurants se situent. Pour la résoudre, et y performer, nous ne ménageons aucun effort. Dans le choix de nos emplacements, la générosité des surfaces comme le soin que nous mettons à apporter des décors et des ambiances différents pour chacun de nos établissements, inspirés de cet âge d’or des brasseries parisiennes. Évidemment, nous prolongeons ce travail par une attention à l’assiette, qui part d’un sourcing sur des produits en circuits courts, à 99% auprès de producteurs français, sur lequel nous passons énormément de temps. Nous avons rencontré chacun de nos fournisseurs. C’est un aspect essentiel à la qualité des produits que nous utilisons, bien avant les labels qui pourraient leur être attribués. Ce sont des ingrédients bruts, frais et de saison, que nous travaillons dans nos restaurants. Sur un Paris-Brest, on part de la noisette… Cela demande du travail, un recrutement important – 70 salariés sur la seule brasserie Dubillot par exemple -, mais c’est aussi tout ça qui, mis bout à bout, nous permet d’être attractifs auprès de clients de tous âges, et toutes nationalités. Les classiques de brasserie, ça met tout le monde d’accord !

    Vous opérez sur un modèle intensif en masse salariale, calé sur des produits frais, les premiers à prendre les hausses, cuisinez maison, avec des consommations énergétiques en rapport… À quel point la période actuelle met en tension ce modèle ?

    Côté énergie, nous restons encore peu exposés, puisque les consommations ne pèse pas plus d’1% dans le P&L de nos établissements. En revanche, nous sommes actuellement très vigilants sur les ratios dans nos matières premières. Partir des ingrédients bruts nous permet d’être plus robustes sur les hausses, mais nous avons déjà dû retirer deux plats de notre carte parce que leur coût-portion était excessif, sachant que jusqu’à présent, nous sommes parvenus à ne pas répercuter, ou quasi, ces augmentations auprès de nos clients. Concernant le recrutement, évidemment qu’il est difficile sur une ouverture d’avoir une équipe formée et au complet, notamment en cuisine. Nous nous battons pour offrir de bonnes conditions de travail à nos 200 collaborateurs, avec par exemple des semaines de 4 jours pour notre personnel en salle, ou la suppression des coupures. Dépoussiérer le métier de la brasserie, cela passe aussi par là. Et cela passe par la notion, déjà, de parcours. Nos chefs et managers ont démarré commis, et grandissent avec nous. C’est là, aussi, que l’on peut créer une dynamique et une culture d’entreprise dans laquelle nos collaborateurs se reconnaissent. De fait, nous avons peu de turnover.

    Vous avez réalisé en début d’année une seconde levée de fonds, sur un montant de 10 millions d’euros. Sur quelle feuille de route ?

    Nous ne voulons pas du tout entrer dans une course aux ouvertures, et allons continuer à nous développer sur notre tempo. Nous prévoyons d’ouvrir une 4ème brasserie dans Paris en 2023, Rive gauche cette fois, et voulons pousser cette idée de promouvoir le terroir français en ouvrant notre premier restaurant en province. Nous regardons des locaux à Lille, dans de grandes villes du Sud, rien n’est décidé pour l’instant. Mais ce qui est certain, c’est que nous y raconterons une histoire différente, avec une offre qui ira puiser aussi dans les pépites locales. Et surtout, l’idée est de construire ces futures adresses avec les gens sur-place, nous ne nous voyons pas avancer dans ce type de projet avec une idée pré-établie, et quelque part parisienne, de ce qu’est la brasserie aujourd’hui à Lyon, Marseille ou Bordeaux… À l’horizon cinq ans, si nous sommes parvenus à ouvrir une quinzaine d’établissements avec ce même état d’esprit, et ces mêmes exigences, nous serons dans les clous du projet initial.

    Publié par Yannick Nodin le 23 septembre 2022.